Les enjeux éthiques liés à la pratique du métier d’UX designer sont importants car les décisions prises par le professionnel vont directement impacter la vie des utilisateurs. Lorsque l’on évoque l’éthique en UX design, ce qui vient généralement à l’esprit c’est celle liée à la phase de recherche. En effet, de nombreux articles écrits par des professionnels de l’UX proposent des solutions pour assurer une recherche éthique (ex : Mortensen, 2019 ou Yharrassarry , 2016).
Cependant, ce questionnement doit aussi se faire lors de la phase de conception. En revanche, c’est peut-être bien à ce stade d’un projet qu’il est le plus difficile pour l’UX de garantir au mieux l’éthique de sa pratique. En effet, les entreprises pour lesquelles nous travaillons ont des objectifs business à atteindre. Ces derniers sont pris en compte tout au long des projets, notamment dans le cadre de la conception. Lorsque l’on parle à la fois de conception et d’enjeux commerciaux, nous pensons généralement en premier lieu aux « dark patterns » (pour en savoir plus, voir les articles de Khattab (2019) et Jaiswal (2018)). Il s’agit de « pratiques de design d’interfaces (sites internet, applications mobiles ou logiciels) qui visent à tromper l’utilisateur, pour l’amener à une action non souhaitée mais avantageuse pour l’entreprise, achat, ajout d’un service, clic sur une publicité ou maximisation de son temps d’écran. » (Khattab, 2019).
Dans certains cas, la prise en compte des objectifs commerciaux se traduit par l’implantation de quelques bannières marketing qui n’impactent que légèrement l’expérience de l’utilisateur. Néanmoins, l’optimisation de l’UX d’un site internet contribue autant (si ce n’est plus ?) à atteindre les objectifs commerciaux visés. En effet, l’ergonomie va permettre aux utilisateurs de pouvoir atteindre leurs buts plus facilement et rapidement. De plus, une UI travaillée, promouvant l’identité de l’entreprise et avec des supports visuels attrayants vont susciter des émotions positives et potentiellement inciter l’utilisateur à la consommation.
Ainsi, les solutions de stratégies marketing proposées de rendent compte d’aucun « dark pattern ». En revanche, le questionnement éthique lors de la conception ne se pas limite pas à cela. En effet, Yonatan (2017) explique que la question de l’éthique dans la conception doit se poser à partir du moment où “the line of making seemingly-motiveless decisions that serve the interests of the system over those of the user, is crossed.” De surcroit, un professionnel de l’UX est quelqu’un qui va faire tout son possible pour améliorer l’expérience de l’utilisateur. Notre but est de concevoir une expérience la plus optimale possible pour les utilisateurs finaux. Par ailleurs, selon Antoine de Saint-Exupéry « la perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à rajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à enlever ». Je pense que cette citation est particulièrement vraie dans le cadre de l’UX car cela fait écho à certains principes de conception (ex : design minimaliste). Or, partant de ce postulat, incorporer des composants à des fins autres que ceux de l’amélioration de l’UX va à l’encontre de l’objectif principal de ce métier.
Cependant, les enjeux commerciaux ne peuvent pas être omis non plus car cela relève de la réalité d’un projet. En effet, l’entreprise qui propose et finance un projet a besoin d’une certaine force financière pour exister et faire vivre un produit ou service. En ce sens, un projet ne peut pas exister sans cela. Cette réalité est l’une des principales raisons pour laquelle, « même avec toute la bonne volonté du monde, il reste aujourd’hui compliqué pour un designer de donner une place prépondérante à sa vision de l’éthique dans le développement d’un projet. » (Maurice, 2019). Effectivement, selon Drouillat (cité par Maurice, 2019) « les designers ne peuvent qu’exercer leur conscience et leur esprit critique, ou se conformer à des impératifs réglementaires (comme RGPD, par exemple). Mais ils ne peuvent être à la fois le problème et la solution de ce même problème. »
Pour conclure, je dirais que c’est donc au professionnel de prendre la responsabilité de se positionner et de trouver un équilibre entre bonnes pratiques et contraintes d’un projet. Ainsi, cela suppose d’évaluer l’éthique d’une demande ou solution et de la refuser si besoin (dans la mesure du possible) en expliquant les raisons. L’idée est, dans un premier temps, de mettre en lumière les problèmes UX, éthiques et des conséquences négatives. Ces derniers ne doivent pas faire référence qu’aux impacts négatifs sur les objectifs business mais aussi sur les utilisateurs. En effet, l’UX designer est le garant de l’expérience que vont vivre ces derniers. En ce sens, il est essentiel de souligner que les décisions de conception en vont de sa responsabilité. L’objectif final est de pouvoir proposer par la suite de nouvelles solutions plus en adéquation avec les objectifs du métier d’UX designer, tout en tenant compte des enjeux commerciaux.
Références bibliographiques
Jaiswal, A. (2018). Dark Patterns in UX: How Designers Should Be Responsible for their Actions. Retrieved from https://uxdesign.cc/dark-patterns-in-ux-design-7009a83b233c
Khattab, R. (2019). « DARK PATTERNS » Design d’interface et expérience utilisateur. Retrieved from https://mbamci.com/dark-patterns-design-interface/
Maurice, C. (2019). UX design et éthique : entre déontologie et réalité du marché. Retrieved from https://www.blogdumoderateur.com/ux-design-ethique-deontologie-realite-marche/
Mortensen, D. (2019). Conducting Ethical User Research. Retrieved from https://www.interaction-design.org/literature/article/conducting-ethical-userresearch?ref=guidetouxr.com
Yharrassarry, R. (2016). UX & éthique. Retrieved from https://blocnotes.iergo.fr/articles/uxethique/
Yonata, H. (2017). Ethics in User Experience Design. Retrieved from https://usabilitygeek.com/ethics-in-user-experience-design/
Comments